Après les Jeux de Paris, la bataille de la VSA est loin d’être finie

bastien
, 09/10/2024 | Source : La Quadrature du Net

Les Jeux Olympiques et Paralympiques se sont achevés il y a un mois. Alors que les rues de Marseille ou de Paris et sa banlieue sont encore parsemées de décorations olympiennes désormais désuètes, les promoteurs de la surveillance s’empressent d’utiliser cet événement pour pousser leurs intérêts et légitimer la généralisation des dispositifs de vidéosurveillance algorithmique (VSA). Si nous ne sommes pas surpris, cette opération de communication forcée révèle une fois de plus la stratégie des apôtres de la Technopolice : rendre à tout prix acceptable une technologie dont le fonctionnement reste totalement opaque et dont les dangers sont complètement mis sous silence. Les prochains mois seront cruciaux pour peser dans le débat public et rendre audible et visible le refus populaire de ce projet techno-sécuritaire.

Des algos dans le métro

Comme prévu, la vidéosurveillance algorithmique a été largement déployée pendant les Jeux Olympiques. Il le fallait bien, puisque c’est au nom de ce méga événement sportif qu’a été justifiée l’« expérimentation » de cette technologie d’analyse et de détection des comportements des personnes dans l’espace public. Pour rappel, la loi du 19 mai 2023 relative aux Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 a permis aux préfectures d’autoriser un certain nombres d’acteurs à déployer des logiciels dopés à l’« intelligence artificielle » sur les images des caméras publiques afin de repérer un certain nombre de comportements soi-disant « suspects » et déclencher des alertes auprès des agents de sécurité ou des forces de l’ordre.

Contrairement à ce que le nom de la loi indique, cette capacité de mettre en place une surveillance algorithmique dépasse largement le moment des seuls Jeux Olympiques. Les policiers peuvent ainsi réquisitionner la VSA pour des « manifestations sportives, récréatives ou culturelles qui, par l’ampleur de leur fréquentation ou par leurs circonstances, sont particulièrement exposées à des risques d’actes de terrorisme ou d’atteintes graves à la sécurité des personnes ». Or, ce critère de « risque » a rapidement été apprécié de façon très large. La VSA a été déployée à l’occasion de concerts, de matchs de foot, de festivals ou encore lors du défilé du 14 juillet. Également, la durée de l’expérimentation dépasse largement celle des seuls Jeux et s’étend jusqu’en mars 2025. La ville de Cannes a ainsi annoncé qu’elle déploiera la VSA à l’occasion de cinq événements à venir : les NRJ Music Awards, le Marathon des Alpes-Maritimes, le marché de Noël, le feu d’artifice du Nouvel An et… le Marché international des professionnels de l’immobilier 2025. On le comprend, il ne s’agit pas tant de prouver un lien avec un risque particulier pour la sécurité que de trouver un prétexte pour tester ces technologies.

Mais revenons aux Jeux et à ce moment de « vraie vie » selon les termes employés par Emmanuel Macron. Que s’y est-il passé ? D’abord, les algorithmes de détection de l’entreprise Wintics ont été déployés dans 46 stations de métros et 11 gares SNCF ou RER. Comme cela avait déjà pu être le cas pour d’autres expérimentations, les stations concernées n’avaient parfois aucun rapport avec les lieux où se déroulaient les épreuves des Jeux. De nouveau, les acteurs de la surveillance tordent le cadre juridique pour le plier à leurs volontés. Aussi, alors que les pouvoirs publics sont tenus d’informer les personnes filmées qu’elles sont transformées en cobayes, ceux-ci se sont contentés du service minimum. Des petites affichettes ont été placardées dans le métro, peu visibles pour les passant⋅es dont le regard était davantage incité à lire une propagande sécuritaire « légèrement » plus grande.

Deux affiches de vidéosurveillance dans une station de métro : en très grand à droite, l'affiche de vidéosurveillance classique, en tout petit à gauche, l'affichette VSA.
En très grand à droite, l’affiche de vidéosurveillance classique, en tout petit à gauche, l’affichette VSA.

Ensuite, la VSA s’est étendue aux images de l’espace public aux alentours de 11 sites des Jeux Olympiques (comme le Stade de France ou la Place de la Concorde). Pour cette surveillance des rues, la préfecture de police n’a publié que le 30 juillet au soir l’autorisation préfectorale nécessaire à cette expérimentation, qui avait pourtant débuté… le 26 juillet. Comme on suivait cela de près, nous avons déposé une plainte auprès la CNIL, et ce afin de la pousser à faire son travail en sanctionnant l’État pour ces quatre jours de surveillance illégale. Les mêmes dispositifs de VSA ont ensuite été renouvelés lors des Jeux Paralympiques pour prendre fin le 9 septembre dernier. Depuis cette date, la course à la promotion de ces outils a repris de plus belle au sein des acteurs du système de surveillance qui n’hésitent pas à jouer des coudes pour imposer leur agenda.

Opération mal masquée

Théoriquement, la loi sur les JO prévoit que cette « expérimentation » de VSA soit soumise à une évaluation par un comité créé pour l’occasion, regroupant expert·es de la société civile, parlementaires et policiers. Ce comité est chargé d’analyser l’efficacité et l’impact de cette technologie selon des critères prévus par décret. Un rapport doit ensuite être remis au Parlement, le 31 décembre 2024 au plus tard. Si nous n’avions déjà que peu d’espoir quant à la capacité pour le comité de travailler de manière indépendante et d’être entendu dans ses conclusions, il n’empêche que celui-ci existe. Le Parlement a en effet choisi de conditionner une éventuelle pérennisation du cadre expérimental de la loi JO à son évaluation. Un garde-fou minimal dont le Conseil constitutionnel a souligné l’importance pour assurer toute éventuelle pérennisation du dispositif, qui serait alors à nouveau soumise à un examen de constitutionnalité.

Cela n’empêche pourtant pas les promoteurs de la VSA de placer leurs pions en communiquant de manière opportuniste afin de faire pression sur le comité d’évaluation et l’ensemble des parlementaires. Ainsi, le 25 septembre dernier, le préfet de police et ancien ministre Laurent Nuñez a ouvert le bal lors d’une audition par les député⋅es de la commission des lois. Sans apporter aucun élément factuel étayant ses dires, sans même faire part des très probables bugs techniques qui ont certainement émaillé le déploiement d’algorithmes de VSA qui pour certains étaient testés pour la première fois à grande échelle, il affirme alors que la VSA aurait d’ores et déjà « démontré son utilité », et appelle à sa prorogation. Et il s’emploie à minimiser les atteintes pour les libertés publiques : le préfet de police assure ainsi qu’il ne s’agirait en aucun cas de surveillance généralisée mais d’une simple aide technique pour trouver des flux anormaux de personnes. Comme si la légalisation des cas d’usage les plus problématiques de la VSA, dont la reconnaissance faciale, n’étaient pas l’un des objectifs des promoteurs de la Technopolice. Même le journal Le Monde s’est inquiété de cette déclaration de Nuñez dans un éditorial dénonçant la technique du « pied dans la porte » utilisée par le préfet.

Ensuite est venu le tour du gouvernement. Dans sa déclaration de politique générale, Michel Barnier a prononcé la phrase suivante, floue au possible : « Le troisième chantier est celui de la sécurité au quotidien : les Français nous demandent d’assurer la sécurité dans chaque territoire. Nous généraliserons la méthode expérimentée pendant les Jeux olympiques et paralympiques. ». À aucun moment le Premier ministre ne précise s’il a en tête la VSA ou la concentration ahurissante de « bleus » dans les rues, ou d’autres aspects du dispositif policier massif déployé cet été. Cela n’a pas empêché France Info de publier un article largement repris dans les médias annonçant, sur la base de cette déclaration, que le gouvernement envisageait de prolonger l’expérimentation de la vidéosurveillance algorithmique. En réalité, il s’agissait d’une « interprétation » venant du ministère de l’Intérieur, pressé d’imposer l’idée d’une pérennisation, quitte à faire fi du cadre légal de l’évaluation (le nouveau ministre Bruno Retailleau ayant bien fait comprendre que le respect du droit n’était pas sa tasse de thé). Résultat de cette opération d’intox de Beauvau : Matignon, soucieux de ne pas froisser le comité, « rectifie » auprès de France Info et affirme que le gouvernement attendra bien le rapport du comité. Bref, des petites phrases et des rétropédalages qui permettent au final au gouvernement de miser sur les deux tableaux : d’un côté, il tente de préempter le débat en imposant d’emblée la perspective d’une pérennisation et, de l’autre, il s’efforce de sauver les apparences, en laissant entendre qu’il suivra scrupuleusement le processus défini dans la loi. Reste qu’à Beauvau et très certainement aussi à Matignon, la pérennisation de la VSA est un objectif partagé. Le désaccord, si désaccord il y a, semblerait plutôt porter sur le tempo des annonces.

Tout ceci nous rappelle une chose : la bataille qui se joue maintenant est celle de l’acceptabilité de la VSA. Il s’agit pour les pouvoirs publics de fabriquer le consentement de la population à une technologie présentée comme évidente et nécessaire, alors qu’elle porte en elle un projet d’accaparement sécuritaire de l’espace public, de discrimination et de contrôle social, portés à la fois par une industrie de la surveillance en croissance et un régime de moins en moins démocratique.

Pour vous informer sur la VSA et vous y opposer, retrouvez notre brochure sur le sujet et d’autres ressources sur notre page de campagne. Et pour soutenir notre travail, n’hésitez pas à faire un don.

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Après 4 mois de chaos politique provoqué par la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin dernier, un nouveau gouvernement vient enfin d’être constitué pour continuer la même politique de casse du bien commun au profit d’intérêts particuliers. 

« Si nous voulons que tout reste tel que c’est, il faut que tout change ». Attribuée à Tancrède Falconeri, le personnage qu’interprète Alain Delon dans ‘’Le Guépard’’ de Luchino Visconti, elle aurait pu sortir de la bouche d’Emmanuel Macron ce dimanche de juin.

En effet année après année, les files d’attente d’étudiants autour des distributions de produits alimentaires s’allongent, les travailleurs et les retraités pauvres sont de plus en plus nombreux, le SMIC ne permet plus de vivre décemment. Deux tiers des Français interrogés disent connaître ou avoir connu une situation de pauvreté, un chiffre en progression ! Révoltant. L’État, avec les gouvernements successifs tourne résolument le dos à sa première mission : celle d’assurer les conditions concrètes d’existence à l’ensemble de ses citoyens. Gérer le budget de l’État, c’est d’abord réunir les moyens nécessaires, par la solidarité nationale, pour assurer l’ensemble des missions de service public et garantir à chacun et chacune les droits élémentaires à une existence digne.
C’est tout le contraire qui se passe : on ne cesse de diminuer les recettes de l’État, par une politique fiscale en faveur des entreprises et des grands patrons, en espérant que la richesse créée ruissellerait sur le plus grand nombre. Politique qui ne fait que creuser les déficits, lesquels conduisent à réduire les mal nommées «
dépenses publiques » et à asphyxier encore un peu plus nos services publics.

Il est temps de reprendre en main notre destin, en assurant par la solidarité de toutes et tous ce droit à une existence digne en toute circonstance. Attelons-nous ensemble à remettre sur pied une véritable Sécurité sociale universelle, dans l’esprit de ses fondateurs¹. 

Un revenu de base suffisant pour s’émanciper de toutes ces aides stigmatisantes que l’État octroie sous conditions de ressources, serait la clé de voute de cette protection sociale universelle.

Face aux mutations en cours dans le monde du travail comme aux défis environnementaux à surmonter dans les années à venir, faire de la diversion, continuer de temporiser, de ne pas s’attaquer à une réforme systémique de la protection sociale est totalement irresponsable.

Cette nouvelle Sécurité sociale universelle peut et doit constituer le premier dénominateur commun d’un programme de gouvernement, encore faut-il qu’elle permette à toutes et tous de s’affranchir de la charité publique qui vous oblige. Car il ne peut y avoir de liberté ni de démocratie réelle sans égale considération, sans égalité des droits humains et sans la solidarité des uns envers les autres pour garantir l’égale participation à la vie sociale et politique de l’ensemble des citoyens, pour faire pleinement son métier d’homme², pour pouvoir choisir, pour pouvoir agir tant qu’il est encore temps avant d’être contraint à ne manger que du malheur.

Pour entreprendre ce vaste chantier de refondation du bien commun le 9 et 10 novembre prochain, nous organisons les États Généreux du Revenu de Base.

Rejoignez-nous pour échanger, participer à esquisser ce qui pourrait être ce futur désirable !

 

“L’universel concret est revenu. Il est en fait devant nous. La pandémie l’a fait ressortir sous toutes ses formes : du vaccin aux conditions de travail en passant par la santé individuelle et publique. Oui, c’est « tout un programme ». Mais y en a‑t-il d’autres, aujourd’hui ? Ne peut-il pas, ne doit-il pas nous réunir ?”
(Frédéric Worms, “L’universel concret” est de retour, Libération, 13 mai 2021)

 

¹ « La sécurité sociale est la garantie donnée à chacun qu’en toutes circonstances il disposera des moyens nécessaires pour assurer sa subsistance et celle de sa famille dans des conditions décentes. Trouvant sa justification dans un souci élémentaire de justice sociale, elle répond à la préoccupation de débarrasser les travailleurs de l’incertitude du lendemain, (…) Envisagée sous cet angle, la Sécurité sociale appelle l’aménagement d’une vaste organisation nationale d’entraide obligatoire qui ne peut atteindre sa pleine efficacité que si elle présente un caractère de très grande généralité à la fois quant aux personnes qu’elle englobe et quant aux risques qu’elle couvre. Le but final à atteindre est la réalisation d’un plan qui couvre l’ensemble de la population du pays contre l’ensemble des facteurs d’insécurité. » (Exposé des motifs de la loi d’octobre 1945).

² Albert Camus dans La peste

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Qui veut être l'associé d'Anthony Bourbon ?

Le Blast Club : des investissements qui pourraient être périlleux

Ce « club » permet d'investir dans les levées de fonds de startups y compris pour des particuliers avec peu de moyens. Mais ses membres n'ont souvent aucune expérience de ce type de marché. Ont-ils vraiment conscience que si l'on peut gagner beaucoup, on peut aussi tout perdre ? Enquête sur une nouvelle tendance, la démocratisation de l'accès au financement des futures licornes ou des futures oubliées de l'histoire du Net...

Une arme marketing... - Copie d'écran du site Web du Blast Club

Depuis deux ans, Anthony Bourbon est jury de l’émission « Qui veut être mon associé » sur M6. Il est présenté, ce qui est logique, comme le patron de sa plateforme d'investissement « Blast ». Ces passages télé ne peuvent manquer de faire croitre la notoriété d'Anthony Bourbon et d'inciter, ne serait-ce que par curiosité, de nombreux téléspectateurs à se renseigner sur ce « club » qui semble avoir fait la fortune de ce membre du jury. D'autant qu'un autre juré, le célèbre basketteur Tony Parker en est également membre. Mais les risques liés à ces investissements ne sont jamais mentionnés à l’antenne, où investissement et divertissement se mélangent.

« Avec mon mari on a découvert le Blast Club en regardant par plaisir "Qui veut être mon associé ? " (QVEMA) où Anthony Bourbon était juré ». C'est ainsi que Camille, comme toutes les personnes que nous avons interviewées, a découvert le Blast Club. Depuis 2023, elle a investi plus de 5.000 euros avec son mari dans divers projets sur la plateforme, dont 1.000 euros dans le rachat de parts de Blast, directement auprès de ses fondateurs. Le 12 juillet 2024, Anthony Bourbon et son co-fondateur, Samuel Guez, ont mis en vente 20% de leurs parts auprès de leurs 8.000 membres pour un montant total de 30 millions d’euros. Les fondateurs ont valorisé leur entreprise à 150 millions d’euros, sans expertise indépendante.

Document de présentation de la vente des actions des fondateurs - Copie d'écran
Document de présentation de la vente des actions des fondateurs -...

Des médecins s'inquiètent déjà au 19e siècle des dangers des pesticides pour la santé

Nolwenn Weiler
, 03/10/2024 | Source : Basta !